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L’utopie hydrogène : l’UE bille en tête dans une voie sans issue

L’utopie hydrogène : l’UE bille en tête dans une voie sans issue Posted on 26 décembre 20203 Comments

La Commission européenne a énoncé le 8 juillet 2020 sa « stratégie de l’hydrogène pour une Europe climatiquement neutre », censée « stimuler la production d’hydrogène propre en Europe ». Ce plan a été réaffirmé par le Conseil européen lors du sommet du 11 décembre 2020. Pourquoi l’Europe s’est-elle lancée bille en tête dans une voie sans issue ?

Créé en 1968, le Club de Rome, qui réunit des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires et des industriels de plusieurs dizaines de pays, s’est attiré la notoriété mondiale avec la publication du Rapport Meadows sur les limites à la croissance et les conséquences de l’évolution démographique et de la croissance économique dans un monde de ressources finies, rapport datant de 1972, inspiré par des débats au sein de l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économiques) à propos des « problèmes de la société moderne » et, déjà, d’une « crise planétaire » naissante.

C’était l’époque où l’on croyait que le pétrole serait épuisé avant l’an 2000 et les énergies de l’avenir seraient la houille et l’énergie nucléaire.

Samuel Furfari, dont la thèse de doctorat en sciences appliquées porta sur la transformation de cette matière abondante qu’était le charbon en produits pétroliers, rappelle, en introduction de son livre L’utopie hydrogène, la distinction entre énergie primaire et énergie finale, entre les sources d’énergie qui se trouvent dans la nature (bois, charbon, pétrole, gaz naturel, uranium, chute d’eau…) et les usages que l’on en fait (électricité, carburant, chaleur) qui sont les résultats de processus industriels de transformation.

Dans son livre (qu’il aurait pu sous-titrer « L’hydrogène est le carburant du futur et il le restera »), Samuel Furfari propose de s’en tenir aux faits afin d’écarter les fantasmes, car les lois de la chimie sont bien physiques et elles ne consistent pas en des conjectures.

Pointant au passage que la transition de l’Europe au « vert » va beaucoup plus loin que la protection de l’environnement et qu’elle remet en cause les conditions mêmes qui ont assuré à ses citoyens leur niveau de bien-être, il constate que, si l’on entend réduire les émissions de CO2, il n’y a que deux moyens, le recours à l’énergie nucléaire et la décroissance.

S’en tenir aux faits

Car, si l’hydrogène est l’élément le plus abondant de l’univers et si sa combustion ne produit pas de CO2, ni de contaminants atmosphériques (SO2, NOx, particules fines, métaux lourds), il ne reste pas moins qu’il faut le produire, à partir de molécules plus grosses comme l’eau (H2O) ou le méthane (CH4), et que cette production (électrolyse, vaporeformage) passe par l’usage d’énergie… fossile et qu’elle entraîne une forte déperdition… d’énergie.

Le paradigme écologiste à la base du Pacte vert pour l’Europe trouve ses origines en Allemagne dont la propension pacifiste de l’après-guerre a inspiré une hostilité envers le nucléaire, matérialisée par le slogan « Atomkraft, nein danke » à partir des années 70, lequel cède la place aux affiches « Merkel verstrahlt uns alle – Änder das ! » lors des élections régionales de 2011, obligeant la chancelière à opérer une volte-face en faveur d’une sortie de l’énergie nucléaire et du déploiement des énergies renouvelables à la suite du traumatisme de l’accident de Fukushima.

Mais, en fait, relève le professeur Furfari, l’électricité que produit l’énergie atomique, n’est qu’une des énergies finales et l’une des moins consommées. En outre, elle est évanescente. Produite elle est aussitôt détruite. Là se situe une partie du problème des énergies renouvelables intermittentes et là est supposé intervenir l’hydrogène. (Une autre partie du problème des énergies renouvelables réside dans l’extraction des minerais et la nature des matériaux utilisés pour la construction des éoliennes et des panneaux solaires, sans compter leur impact environnemental dans les campagnes et en mer.)

Le vent et le soleil n’étant pas disponible à la demande et l’électricité produite en excès ne pouvant pas être stockée pour être fournie à la demande, le problème posé par les énergies renouvelables intermittentes est double : que faire de l’électricité produite en excès et comment en fournir quand le vent et le soleil ne sont pas au rendez-vous ?

Ecarter les fantasmes

L’idée est de produire de l’hydrogène qui, lui, peut être stocké et servir de carburant pour tout ce qui est équipé de moteurs électriques et de piles à combustible, pour chauffer des bâtiments et, à terme, quand la technologie le permettra, pour être reconverti en électricité à l’aide de piles à combustible et réinjecté dans le réseau électrique lors de pics de demande.

La chaîne de production de l’électricité dite « verte » à partir de l’hydrogène implique de produire un excédent d’électricité à partir des énergies renouvelables, de transformer cet excédent en hydrogène, de comprimer, liquéfier et transporter ce dernier et de le brûler pour le retransformer en électricité, ce qui entraîne de considérables déperditions d’énergie à chaque stade.

Et, si l’hydrogène est abondant dans l’univers, il ne l’est pas à l’état naturel. Il doit être produit et c’est une molécule compliquée et dangereuse. En ce qui concerne l’usage de l’hydrogène dans le domaine de la mobilité, qu’en est-il du fameux principe de précaution si cher aux écologistes ? Sans remonter à l’accident du dirigeable Hindenburg gonflé à l’hydrogène, que l’on se souvienne de l’explosion d’une station de distribution d’hydrogène le 10 juin 2019 près d’Oslo !

La vraie révolution verte

Les propriétés de l’hydrogène produit et maîtrisé en milieu industriel sont néanmoins telles qu’il est à la base de la chimie industrielle et organique et d’une autre et vraie révolution verte, l’agrobiologie, un pilier du monde moderne, s’agissant de produire des engrais à base d’ammoniac (NH3) pour répondre au défi de la faim dans le monde.

Utiliser une molécule à haute valeur ajoutée pour le stockage et la production d’électricité, fût-elle générée par des éoliennes ou des panneaux solaires et pour autant que ces derniers suffisent à la demande électrique, ce qui est loin d’être le cas, tandis qu’existent des sources alternatives d’énergie (gaz naturel, nucléaire), disponibles en abondance et sans contrainte géopolitique, et des solutions technologiques pour les rendre encore moins polluantes, c’est, écrit Samuel Furfari, « un contresens du point de vue chimique, économique et environnemental ».

Voilà où l’Energiewende de l’Allemagne a conduit l’Europe, à une transition énergétique absconse et ruineuse ! Certes, pour les Allemands, tant qu’à se fourvoyer, autant y entraîner l’Europe entière, c’est s’assurer que la compétitivité de l’industrie allemande sur le marché européen ne souffrira pas de ses lubies énergétiques. Mais, de contresens en non-sens, c’est toute l’Europe dont l’Allemagne précipite le déclin.

L’utopie hydrogène, Samuel Furfari, 174 pages, disponible sur Amazon. (Samuel Furfari est docteur en Sciences appliquées et ingénieur civil chimiste. Il enseigne la géopolitique de l’énergie à l’Université libre de Bruxelles.)

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(L’article ci-dessus a initialement été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 3962 du vendredi 18 décembre 2020.)

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3 comments

  1. Oui, l’Europe se suicide en « investissant » dans des sources d’énergie qui n’en sont pas mais qui coûtent monstrueusement cher! Comment convaincre nos responsables? Ils ne peuvent pas tous être corrompus??? Le livre de Samuel Furfari est clair… qui le lit en haut lieu?

  2. Pas mal de choses intéressantes dans ce post , as usual !

    Notamment , je n’y avais jamais pensé, que les Allemands auraient imposé leur vision du tout énergie verte pour impliquer la concurrence dans les mêmes règles de coûts.

    Par contre je reste persuadé que l’énergie nucléaire a toute les qualités, sauf une qui malheureusement et je le déplore vivement est rédhibitoire, l’accident qui quand il survient est dramatique car incontrôlable et donnant des conséquences pour des millénaires.

    Je crois aussi que l’électricité par solaire ou éolien pourrait être produite dans des pays idoines (l’Écosse pour le vent , le Sahara pour le solaire en journée bien sûr par exemple) et que le développement de capacité de stockage sous forme de batteries plus efficaces et évoluées que les actuelles seront peut-être la solution? Tout en avouant ne pas y connaître grand chose dans le domaine et donc possiblement être un doux rêveur…

    Le pétrole et le gaz ne sont selon moi en tout cas pas les solutions car leur consommation actuelle est supérieure à leur production par la Nature et donc une autre option doit être envisagée même si la fin pour le pétrole est plus lointaine que prévue par le Club de Rome ( quoique on peut se poser beaucoup de questions sur les conséquences de la fracturation hydraulique, notamment sur la stabilité de l’écorce terrestre me semble-t-il.

    Merci à monsieur Godefridi pour son blog intéressant et bonne fin d’année à lui et sa famille.

  3. L’hydrogène n’est pas une solution des écologistes, puisqu’elle permettrait, en théorie évidemment, de conserver le monde dit d’avant. Le but ultime des écologistes de stricte observance est la fin de la société dite thermo-industrielle. Ainsi, silence radio de leur part sur l’hydrogène, voitures électriques etc. Le monde du Confinement en est non pas l’idéal type (car en deçà de leur idéal) mais de simples prémices.

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