Un lecteur émérite de cette chronique a obligeamment envoyé un article de recherche cosigné par l’un de ses pairs, Pierre Desrochers, professeur à l’Université de Toronto, et Christine Hoffbauer, à l’époque une étudiante en master dans la même institution, publié dans The Electronic Journal of Sustainable Development en 2009, sur les racines malthusiennes du mouvement écologiste qui a émergé aux Etats-Unis après la Seconde guerre mondiale.
Ce courant militant visait à sensibiliser le public aux questions de surpopulation et d’environnement. Il culminerait avec la publication en 1968 par le Sierra Club de l’essai d’un professeur de la Stanford University, Paul Ehrlich, The Population Bomb (édité en français par l’ONG Les Amis de la Terre sous le titre La Bombe P – l’allusion aux bombes A et H n’est pas fortuite), vendu à plus de trois millions d’exemplaires, et la publication en 1972 du rapport du Club de Rome sur les limites à la croissance, l’un des piliers de l’écologie politique.
Les racines intellectuelles de The Population Bomb se situent, selon les deux chercheurs canadiens, dans deux ouvrages qui datent de 1948 et sont aujourd’hui largement oubliés, Our Plundered Planet de Fairfield Osborn et Road to Survival de William Vogt. Ces deux ouvrages, dont les titres plantent le décor du néo-malthusianisme écologiste de l’après-guerre, ont profondément influencé, dans leur contenu et leur rhétorique, le jeune Paul Ehrlich.
Avant que l’essai de Paul Ehrlich ne soit publié et ne devienne un succès de librairie, la prétendue menace de surpopulation était déjà dans le Zeitgeist. Un ouvrage de J.W Milliman publié en 1963 sous le titre Can people be trusted with natural resources ? résume l’opinion prévalante comme suit : 1) Les ressources naturelles disparaissent rapidement ; 2) cette disparition est totalement indésirable ; 3) la raison majeure de cette disparition est la cupidité d’individus poursuivant des motifs égoïstes et de profit ; 4) le résultat est que le bien-être de la postérité sont sacrifiés pour la satisfaction des caprices des générations actuelles. » Si cela paraît familier, c’est parce que ça l’est.
Famine 1975 !
En 1967, les frères William et Paul Paddock n’hésitèrent pas à pousser la logique jusqu’au bout dans Famine 1975 ! en préconisant ni plus ni moins la création d’un système de triage dans lequel on laisserait mourir de faim les individus les moins aptes dans des pays comme l’Inde, l’Égypte et Haïti afin de sauver les plus robustes. L’homme serait-il irrémissiblement misérable et médiocre ?
Ce sont donc Fairfield Osborn et William Vogt qui dès 1948 relancèrent le débat sur la population. Leurs livres respectifs ont à l’époque touché des millions de personnes et laissé une empreinte dans l’esprit de nombreuses personnes dans le monde entier. Ils ont contribué à façonner les thèmes, les perspectives et la rhétorique des auteurs et des activistes de l’environnement, tels qu’Al Gore, qui a été initié à ces deux auteurs alors qu’il assistait à un cours sur la théologie et les sciences naturelles à l’Université Vanderbilt.
Avec le néo-malthusianisme, remarquons-le en passant, nous sommes aux antipodes de la pensée du grand ami de Karl Marx, Friedrich Engels, qui avait dit sa confiance dans le fait que la productivité du sol pouvait être augmentée à l’infini par l’application du capital, du travail et de la science, et en plein déni de la valeur de la vie humaine. Pierre-Joseph Proudhon parlait de la pensée malthusienne comme d’une « théorie de l’assassinat politique ». S’ils agissent avec les meilleures intentions du monde, dit-il, « [les malthusiens] ne conçoivent pas comment, sans une organisation quelconque de l’homicide, l’équilibre entre la population et les subsistances pourrait exister ».
Un pessimisme frileux
L’historien Samuel P. Hayes, un pionnier de l’histoire environnementale, en témoigna dix ans après la publication de Road to Survival et Our Plundered Planet : l’atmosphère des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale est passée de l’optimisme à un pessimisme frileux. « Nous pensons moins aux possibilités et plus aux limites », écrivit-il et il crédita ce changement de paradigme au « pessimisme malthusien » d’Osborne et de Vogt et à ce qu’ils avaient mis en garde contre le fait que les ressources n’étaient pas inépuisables, que la technologie n’y suffirait pas et que la pression démographique devait être réduite. Chassez l’eugénisme, il revient au galop.
Les prophéties de malheur de ces précurseurs de l’écologie politique se sont toutes révélées fausses, tout comme celles de leurs successeurs (cf. les soi-disant vérités du dérangeant Al Gore), non que leurs recettes aient été suivies, mais précisément parce qu’elles ne l’ont pas été. Cela n’empêche pas les écologistes contemporains de formuler de nouvelles prédictions apocalyptiques en usant de la même rhétorique et en affichant une même morgue.
* * *
Aidez Palingénésie à accroître sa notoriété en transférant cet article sur les racines idéologiques de l’écologie politique à vos amis et aux membres de votre famille et en les invitant à s’inscrire sur palingenesie.com dans l’espace prévu à cet effet sur la page d’accueil et sous chaque article, ou directement via le lien suivant : s’inscrire. Merci d’avance pour votre précieux soutien.
Si vous ne l’êtes pas encore, inscrivez-vous – c’est gratuit ! – avec votre adresse e-mail sur palingenesie.com. Vous recevrez un e-mail à l’adresse que vous aurez indiquée vous priant de confirmer votre inscription, ceci de manière à éviter qu’un tiers ne vous inscrive à votre insu. Une fois l’inscription confirmée, vous recevrez, en principe chaque semaine, un article, souvent la recension d’un ouvrage qui apporte une vision du monde originale, différente de ce que l’on lit et entend par ailleurs.
* * *
Lisez ou offrez l’essai On vous trompe énormément : L’écologie politique est une mystification que Palingénésie a publié en avril 2020, en le commandant en version papier ou au format kindle sur Amazon.fr en suivant ce lien.
Vous le trouverez dans quelques librairies (voir la liste en suivant ce lien). Si vous êtes libraire et souhaitez proposer le livre à vos clients, n’hésitez pas à contacter Palingénésie à l’adresse newsletter@palingenesie.com.
Palingénésie dispose d’un petit stock d’exemplaires. Il vous est possible de commander le livre en direct en envoyant un mail à l’adresse de contact de cette newsletter.
* * *
(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4057 du mercredi 12 octobre 2022.)