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Wanhoop in de Wetstraat : La démocratie belge a cessé d’exister

Wanhoop in de Wetstraat : La démocratie belge a cessé d’exister Posted on 22 octobre 20222 Commentaires

Que vous entraperceviez déjà ou non que la démocratie belge présente quelques défauts et vices de fonctionnement, le dernier livre d’Ivan De Vadder, Wanhoop in de Wetstraat, paru le mois dernier chez Ertsberg, risque de vous plonger dans le désespoir. C’est d’ailleurs la traduction de son titre : « Désespoir dans la rue de la Loi ».

Ivan De Vadder est âgé de 58 ans. Il a étudié la philologie germanique et la philosophie à la KUL et est entré à la BRT (la télévision publique flamande) en 1987. Il en a rejoint le service info en 1991 et le service politique en 1994 et il reste un analyste politique patenté de ce qui s’appelle désormais la VRT où il présente le programme d’actualité De Afspraak op vrijdag. Il est aussi un chroniqueur du Soir et un invité régulier de Matin Première à la RTBF.

Son verdict est que la démocratie belge est carrément en panne. Pire, elle ne subsiste plus que sous ses oripeaux, qui dissimulent qu’en réalité elle a cessé d’exister. La Belgique n’en mène pas large. Le personnel politique est responsable de sa propre déchéance. Il en est conscient mais ne s’attaque pas au fond du problème. La crise du coronavirus n’a fait qu’approfondir le fossé qui s’est creusé depuis un demi-siècle avec le citoyen.

Démocratie, vice de forme

La fonction principale d’un politicien est-elle de décevoir, comme l’affirme Julian Barnes dans son dernier roman, Elizabeth Finch, cité par Ivan De Vadder en exergue de son essai ? Nombreux sont ceux, politiciens et philosophes, à commencer par Tocqueville, qui craignaient que la démocratie ne soit pervertie par les démagogues car ils doutaient que le citoyen et a fortiori une foule d’entre eux ne soient suffisamment informés pour résister au chant des sirènes.

Dans An Enemy of the People, Henrik Ibsen (1828-1906), le plus célèbre dramaturge norvégien, écrivit : « La majorité n’a jamais raison. Jamais, je vous le dis ! C’est un de ces mensonges de la société contre lesquels aucun homme libre et intelligent ne peut s’empêcher de se rebeller. Qui sont les gens qui constituent la plus grande partie de la population : les intelligents ou les imbéciles ? » C’est dans cet ordre d’idées que la démocratie a eu la réputation d’être la gouvernance des ignorants.

Si, en Belgique, le fossé avec les citoyens se creuse à partir des années 1970, c’est Guy Verhofstadt, alors leader de l’opposition libérale flamande aux gouvernements du démocrate-chrétien Wilfried Martens, qui popularise l’expression « de kloof met de burger » dans ses Burgermanifesten au début des années 1990, visant à dénoncer la société fortement compartimentée d’une époque marquée par la montée du parti d’extrême droite Vlaams Blok aux élections législatives du 24 novembre 1991, le Zwarte Zondag.

Le Premier ministre de l’époque eut ce cri du coeur : « N’avons-nous pas géré le pays en bons pères de famille pendant dix ans ? » L’une de ses coreligionnaires du CVP, Miet Smet, ajouta ce propos prophétique sur le plateau de la télévision flamande : « On dit toujours que c’est l’électeur qui a raison ; eh bien, ici, ce n’est pas le cas. » Le plus navrant fut que les trois grandes familles politiques belges traditionnelles subirent la dégelée.

N’empêche, elles rassemblaient encore environ les deux tiers des électeurs au début du millénaire. Aux élections de 2019, en Flandre, ce n’en étaient plus que 38,5% et, en Wallonie, où l’érosion se manifeste de manière plus lente, 58,9%. Un sondage intervenu entretemps a indiqué que ces chiffres auraient encore baissé. Cela dénote assez le besoin de renouveau ressenti par les électeurs.

Démocratie étranglée

Depuis le dimanche noir de 1991, personne n’a trouvé le moyen de combler le fossé avec le citoyen. Le psychologue américain Drew Westen, cité par Ivan De Vadder, met en avant dans The Political Brain l’aspect émotionnel du commerce politique par rapport au rationnel : « Si le marché des idées est un excellent endroit pour vendre une politique, le marché qui compte le plus en politique est celui des émotions. » Entre raison et émotion, c’est invariablement l’émotion qui l’emporte. Certes, les partis politiques en ont pris bonne note – d’où la présence de leurs stars dans les programmes d’info-divertissement à la télé -, mais le problème se situe ailleurs.

Il est notamment illustré dans un livre de Hendrik Vuye (un ancien parlementaire N-VA, professeur de droit constitutionnel aux Facultés universitaires de Namur) et Veerle Wouters (autre ancienne parlementaire N-VA, ingénieur commercial de formation, qui enseigne à la Hoogeschool PXL dans le Limbourg), Schone Schijn. Particratie wurgt Democratie : la particratie étrangle la démocratie. En résumé, le constat réside dans ce que la seule chose que l’électeur décide encore est le nombre de sièges alloués aux différents partis. Ceux-ci n’hésitent pas à placer leurs têtes de gondole sur leurs listes à plusieurs niveaux de pouvoir et ce sont les partis qui en dernier ressort signifient qui siège où.

Ce n’est qu’un exemple de dévoiement démocratique flagrant parmi de nombreux autres repris par Ivan De Vadder dans Wanhoop in de Wetstraat. Leur liste prise à rebours constituerait le programme électoral par excellence pour tout parti qui entendrait vraiment restaurer la démocratie en Belgique. Cette chronique y reviendra.

Wanhoop in de Wetstraat, Ivan De Vadder, 288 pages, Ertsberg.

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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4058 du mercredi 19 octobre 2022.)

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2 commentaires

  1. De fait, il reste et restera impossible de « combler ce fossé » et de rendre à la Belgique actuelle un semblant de démocratie, tant qu’elle n’aura pas compris que la Flandre s’est érigée en Nation. La nation se forme au départ d’un sentiment d’appartenant et d’amour de son propre peuple, au contraire du patriotisme, qui est une fierté naturelle de l’homme pour son pays.
    Il n’y a plus de Belgique, parce qu’elle est devenue une lasagne institutionnelle imbuvable, bricolée par des « compromis » qui en ont le nom mais pas la nature (les francophones ont toujours été perdants), des arrangements constitutionnels tricotés pour, chaque fois, « sauver le pays », et surtout, le rendre encore plus flamand.

    En effet, pas de place pour les sentiments en politique. Comme en matière de Justice d’ailleurs.
    Or, si les francophones continuent à refuser de voir, c’est précisément à cause de leurs émotions… patriotiques.
    Tandis que la Flandre avance tout doucement, et depuis plusieurs décennies. Bien avant les années 1970 : regardez la Question Royale en 1950, le tracé arbitraire de la frontière linguistique en 1962, les Fourons +/- au même moment, le Walen Buiten en 1968, et le nationalisme qui s’en est trouvé renforcé.
    Qu’on le veuille ou non…

    Un scrutin majoritaire à deux tours est la moins mauvaise manière de maintenir la démocratie et d’éviter ces coalitions pré-électorales qui sont un bras d’honneur aux urnes.

  2. La démocratie…. même en Suisse on tente de la détruire! La destruction a commencé avec l’idée que tous les citoyens sont égaux, qu’ils doivent tous décider du gouvernement – par l’intermédiaire de représentants élus – et la réalité est que plus personne ne se sent responsable! Et je suggère la lecture du petit livre d’Alexis de Tocqueville, Le despotisme démocratique.

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