« La vie, ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre comment danser sous la pluie. » La citation, un témoignage de l’actualité de la sagesse antique, est de Sénèque et reprise par l’auteur de S’il te plaît, aide-moi à vivre, la psychologue et psychothérapeute Jeanne Siaud-Facchin, en guise de fondement de sa psychologie des ressources.
Une enquête effectuée par Ipsos en septembre 2016 révéla que près d’une personne sur deux souffre du sentiment d’avoir gâché sa vie et souhaiterait en changer. La pandémie de Covid-19 et l’addiction aux réseaux sociaux, ce miroir aux alouettes sur lequel certains affichent un bonheur souvent factice qui en renvoie d’autres au désastre présumé de leur propre existence, n’ont pas amélioré la situation.
Un simple manque d’estime, une désaffection de soi, se transforme en phobie (des autres, de la vie, de vivre) et en procrastination dévastatrice. Pourquoi suis-je là puisque la probabilité qu’il en fût ainsi était infinitésimale et comment, devant une telle incongruité statistique, devenir ce que je suis, suivant l’injonction que Nietzsche emprunta au poète du Ve siècle avant notre ère, Pindare ?
Pindare exhortait Hiéron, le tyran de Syracuse, à réaliser sa véritable personnalité. L’injonction « deviens ce que tu es » est incomplète. S’ensuit un second élément : « quand tu l’auras appris ». Epicure insista sur le devenir, l’accomplissement de soi ; Socrate, sur l’autre élément de l’injonction, la connaissance de soi, le « connais-toi toi-même », gravé sur le fronton du temple de Delphes. L’un et l’autre ne vont-ils pas de pair ?
Se connaître et s’accomplir
Sagesse antique, quand tu nous tiens ! A la réflexion, si l’auteur de S’il te plaît, aide-moi à vivre ne mentionne explicitement que le premier élément de l’injonction (« deviens ce que tu es »), c’est inévitablement sur les deux éléments que repose sa conception de la psychologie d’aujourd’hui. Son livre ne porte pas uniquement sur le contenu de cette dernière, mais aussi sur l’objectif et sa vision collaborative de la psychothérapie.
Certes le passé joue un rôle primordial dans la constitution de notre identité, mais il nous faut savoir l’observer, l’assumer et le dépasser pour vivre pleinement à l’instant présent ce que nous sommes, en modifiant notre perception des situations auxquelles nous sommes confrontés et en évitant de nous laisser submerger par nos émotions. La mission du psy consiste, selon Jeanne Siaud-Facchin, à faire que le patient devienne conscient de son inconscient pour prendre des risques en pleine conscience.
Nous sommes pensées et libres de les activer. Sommes-nous pour autant convaincus que les nôtres nous appartiennent en propre ? La réalité interpersonnelle n’existe pas. C’est là la source de bien des conflits relationnels. Nous pensons vivre la même chose. C’est une erreur. La réalité, nous la créons à notre guise et selon notre volonté, or c’est dans la qualité des liens que nous entretenons avec les autres qu’est la source de notre équilibre psychologique et de notre joie de vivre.
Ni argent, ni conditions de vie, ni succès personnel n’auraient un impact aussi déterminant sur notre bonheur de vivre que la qualité de nos relations avec les autres, la faute à nos neurones miroirs, ces ordonnateurs de l’emprise des autres sur soi. Si l’on ne peut changer les choses, l’on peut, par contre, changer le regard que l’on porte sur les choses et ça change tout.
La vraie liberté est de choisir
Il y a ceux qui affrontent les aspérités de l’existence avec confiance et se prennent en charge et ceux qui jugent plus simple d’accuser les autres de leurs frustrations, de se déresponsabiliser eux-mêmes. Nous avons le choix, sinon le devoir, de nous libérer de l’emprise des autres et du « c’est la faute aux autres » (ou à pas de chance).
Nous sommes tous, à des degrés divers, victimes du syndrome des trains en retard, notre cerveau s’attachant d’abord à ce qui ne va pas (un penchant dont les médias usent et abusent en distillant leur catastrophisme destiné à nous rendre accrocs). Cela demande un effort d’attention soutenue de voir « au milieu de l’hiver, l’invincible été », selon la formule d’Albert Camus, cité par Jeanne Siaud-Facchin.
Pourtant, il ne dépend que de nous de puiser dans les ressources qui nous veulent du bien, l’espoir et l’optimisme certes, mais aussi la bienveillance envers soi, la gratitude, le sentiment de compétence personnelle, le pardon, et le sens que l’on donne à la vie, « la force qui nous propulse avec confiance et détermination dans cette immense étendue de la vie ». Sur hier, l’on ne peut rien, sur demain l’on ne sait rien, il nous revient de choisir au présent qui l’on est, qui l’on peut être, qui l’on veut être.
Nous ne sommes égaux en rien, c’est dans la nature des choses et fort bien ainsi. Acceptons la vie comme elle vient, même quand l’hiver est trop long et nous nous épuisons. Nous ne nous résumons pas à nos particules élémentaires, nous constituons un tout indissociable que nous seuls pouvons arriver à connaître vraiment et auquel nous seuls pouvons donner un sens, la seule vraie liberté étant celle de choisir. Il en va de l’urgence de vivre.
S’il te plaît, aide-moi à vivre, Jeanne Siaud-Facchin, 304 pages, Editions Odile Jacob.
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(L’article ci-dessus a initialement été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 3968 du vendredi 29 janvier 2021.)
LE SENS QUE L’ON DONNE A LA VIE, voilà ce qui est important! Malheureusement, trop de personnes cherchent « le sens de la vie »….