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Est-ce la fin du « privilège impérial » du dollar US ?

Est-ce la fin du « privilège impérial » du dollar US ? Posted on 30 août 2020Laisser un commentaire

Cette chronique l’évoquait la semaine passée (voir L’argent libre du 23 août), la pandémie de Covid-19 a libéré le monde occidental des contraintes monétaires et budgétaires qui il y a quelques mois à peine paraissaient taboues et a insufflé une nouvelle vie dans un keynésianisme d’une forme radicale (voir aussi la recension de l’Hypercapitalisme de Bruno Colmant du 8 août). Ce ne seront pas les seuls soubresauts qui affecteront la marche des affaires du monde dans les temps à venir.

Le repli de l’Amérique sur elle-même

Donald Trump, qui fut élu par la Country Class, l’Amérique rurale et industrieuse, et non par la Ruling Class, le complexe médiatico-financiaro-politique, a estimé que l’Amérique dispose d’une économie suffisamment grande, dynamique et créative pour se replier sur elle-même. Mais surtout et paradoxalement, cela date d’avant l’accession de Donald Trump à la présidence, les Etats-Unis ont unilatéralement étendu leur juridiction à tout qui utilise leur monnaie pour les échanges internationaux.

L’Iran et l’interdiction formulée aux banques et industries notamment européennes d’encore traiter avec elle n’en sont qu’un exemple parmi d’autres ! Que l’on se remémore à ce sujet le cas de la banque BNP Paribas accusée par la justice américaine d’avoir contourné de 2000 à 2010 les embargos imposés par les Etats-Unis à Cuba, à l’Iran, au Soudan et à la Libye et condamnée en 2015 à payer une amende de 8,9 milliards de dollars aux Etats-Unis ou, à défaut de payer l’amende, à s’exposer à de longs procès à l’issue incertaine et à se voir entre-temps retirer ses licences bancaires aux USA, c’est à dire à fermer boutique.

Le fait que le dollar US est, depuis 1945, non seulement la monnaie de réserve du monde mais aussi la monnaie dans laquelle s’effectuent les transactions du commerce international (pétrole, minerais, denrées, mais ça ne s’arrête pas là !) leur confère ce que l’économiste français Jacques Rueff et, par la suite, Valéry Giscard d’Estaing appelèrent un « privilège impérial ».

La Chine, superpuissance concurrente

Si l’Europe n’a pas d’autre choix que de subir le privilège impérial de sa puissance protectrice, par contre la Chine s’affirme de plus en plus comme une superpuissance concurrente des Etats-Unis et elle ne manque pas d’en contester l’hégémonie dans sa sphère d’influence qui s’étend de l’Asie à l’Afrique, voire à l’Europe. Si la Chine a remplacé les Etats-Unis comme le plus grand importateur au monde de produits de base, il n’en reste pas moins, par contre, que son commerce international s’effectue encore en dollars US.

La Chine importe quelque 11 millions de barils de brut par jour. Au prix de 42 USD par baril, cela représente 462 millions de dollars US par jour. Le montant de la facture journalière s’élèverait à un milliard de dollars US si le cours du brut remontait à 90 USD par baril. Il y a là une anomalie des marchés globaux – à savoir que le plus grand importateur mondial s’approvisionne dans la monnaie d’un autre pays – et un défi pour la Chine, surtout après que des rumeurs eurent fait état de sanctions des Etats-Unis qui viseraient à interdire aux banques chinoises et à leurs contreparties à Hong Kong l’accès au système monétaire américain.

De telles sanctions constitueraient de la part des Etats-Unis un nouveau « coup d’éclat » comparable à la rupture unilatérale des accords de Bretton Woods et à la faillite des subprimes. Elles provoqueraient un choc financier considérable et mineraient définitivement la position du dollar US en tant que monnaie de réserve. La Chine en aura pris note. Plusieurs scénarios se présentent à elle.

Vers le rétablissement d’un étalon-or

Le premier scénario est que rien ne change : les Etats-Unis s’abstiennent de mettre leurs menaces, réelles ou virtuelles, à exécution et la Chine, que cela lui plaise ou pas, doit continuer à gagner des dollars US pour payer ses factures libellées en dollars US.

Le second est que les Etats-Unis se tirent une balle dans les deux pieds et excluent la Chine de leur système monétaire. Le système financier mondial s’effondrerait et s’amorcerait la dépression économique la plus dévastatrice de l’Histoire.

Le troisième est que la Chine convainque les exportateurs de produits de base de les lui vendre dans sa propre devise, le renminbi, qu’elle pourrait manipuler à sa guise, et de l’utiliser pour lui acheter des produits et des services, ou, entre-temps, des obligations chinoises dont les taux d’intérêt sont positifs et plus élevés que sur le dollar US.

Le quatrième est que la Chine rétablisse l’étalon-or pour le renminbi. Rien de bien neuf (que l’on se souvienne des contrats d’approvisionnement en pétrole passés avec la Russie et dénommés en yuans convertibles en or), si ce n’est que l’or se substituerait au dollar US comme monnaie de réserve.

Que Warren Buffett, l’investisseur américain le plus intelligent au monde, ait récemment réduit les positions de son holding Berkshire Hathaway dans plusieurs banques américaines et investi environ 565 millions de dollars US dans une entreprise canadienne d’extraction minière de l’or, signifie-t-il qu’il privilégie le quatrième scénario ?

(L’article ci-dessus a initialement paru dans l’hebdomadaire satirique belge PAN numéro 3946 du 28 août 2020.)

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