« Dong, dong, dong, dong. C’est le châtiment !… Faites pénitence !… La fin des temps est venue !… Je suis Philippulus le prophète, et je vous annonce que des jours de terreur vont venir !… La fin du monde est proche !… Tout le monde va périr !… Et les survivants mourront de fin et de froid !… Et ils auront la peste, la rougeole et le choléra !… » Toute ressemblance avec un autre personnage belge lui aussi, mais en chair et en os et prêchant l’hyper-zèle climatique, avec le personnage d’Hergé dans Tintin et L’Étoile mystérieuse, est d’autant plus fortuite qu’elle serait anachronique.

Il n’en reste pas moins que le « réchauffisme », un néologisme créé par Rémy Prud’homme à partir des mots « réchauffement » et « alarmisme » dans L’idéologie du réchauffement dans lequel il cite Hergé en exergue de l’introduction, s’inscrit dans une longue tradition de prophéties apocalyptiques. Référons-en, comme le fait l’auteur, au chapitre 6 de la Genèse dans la Bible.

Yahvé dans la Genèse, un précurseur

« Yahvé vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée. Yahvé se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’affligea dans son cœur. Et Yahvé dit : Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j’ai créés – et avec les hommes, les bestiaux, les bestioles et les oiseaux du ciel -, car je me repens de les avoir faits. » (Gn 6 : 5-7) Et plus loin : « Je ferai pleuvoir sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits et j’effacerai de la surface du sol tous les êtres que j’ai faits. » (Gn 7 : 4)

Tous les ingrédients du réchauffisme, qui concerne l’homme et la nature, se trouvent dans le déluge, fait observer Rémy Prud’homme : les péchés des hommes, la catastrophe climatique, le point de non-retour et l’élimination de la vie sur la terre. Le filon catastrophiste a inspiré nombre de théories. L’auteur en mentionne cinq exemples récents marquants :

Malthus et son Essai sur le principe de population (auquel il donne une formulation mathématique – aujourd’hui on dirait qu’il a construit « un modèle » – en parlant de progression arithmétique et géométrique à propos de la production agricole d’une part et la population d’autre part) en 1798 ; le professeur de logique et de philosophie morale, Stanley Jevons, l’un des plus grands esprits et économistes de son temps, avec son traité Sur la question du charbon dont en 1865 il prédit l’épuisement ; la biologiste américaine Rachel Carlson dont Le Printemps silencieux annonce en 1962 que le DDT rendrait les forêts muettes ; le professeur à Stanford Paul Ehrlich et sa femme Anne avec leur Population Bomb (en français : La Bombe P), ouvrage dans lequel en 1968 ils prédirent que des centaines de millions de personnes mourraient de faim dans les années 1970 ; le rapport Meadows du nom du professeur du MIT Dennis Meadows et de sa femme Dorabella, The Limits to Growth (traduit prémonitoirement par Halte à la Croissance ? et popularisé par le Club de Rome).

Cachez ces « ismes » que nous ne saurions voir

Que les prédictions contenues dans ces ouvrages aient été démenties par les faits n’a pas terni le renom de leurs auteurs, au contraire, puisque d’éminents collapsologues, pardon climatologues, se plaisent à les invoquer lorsqu’il s’agit de dire que nous sommes depuis longtemps avertis de ce qui nous attend, si nous ne faisons pas pénitence.

Nombreux sont les prédicateurs qui ont « scientifiquement » démontré que, si on n’y prenait garde, la fin du monde était proche et que le comportement de l’homme était en cause. Le réchauffisme est toutefois plus qu’un catastrophisme de plus, écrit Rémy Prud’homme, c’est une idéologie au sens où l’entendait Hannah Arendt en parlant de « ces « ismes » qui, à la grande satisfaction de leurs partisans, peuvent expliquer jusqu’au moindre événement, en le déduisant d’une seule prémisse » et s’avèrent à terme « si utiles à la domination totalitaire ».

Peut-être n’en sommes-nous pas encore là avec ce que l’auteur appelle le réchauffisme, mais encore présente-t-il beaucoup d’aspects périlleusement spécifiques à l’idéologie : il s’appuie sur une prémisse et une seule, le caractère anthropique du réchauffement du climat ; il se réclame d’une science unique, fermée et irréfutable ; il est récupéré par des instances gouvernementales ; il est révolutionnaire, en ce qu’il prêche une « solution finale » et implique un pouvoir étatique fort car il faut tout changer ; enfin, et c’en est un trait indubitable, il jouit d’une résonance auprès des intellectuels et de la masse (ce fut aussi le cas du nazisme et du communisme, Sartre disait de ce dernier qu’il constituait « l’horizon indépassable de notre temps »)…

Précisons, pour conclure, que l’auteur, professeur des universités (il a enseigné à Paris XII et au MIT), ne nie pas le réchauffement de la Terre. Mais le réchauffisme (l’idéologie), dit-il, est beaucoup plus que le réchauffement (le fait mesurable)…

L’idéologie du réchauffement, Science molle, doctrine dure, Rémy Prud’homme, 288 p (en version poche), L’Artilleur.

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