Olivier Amiel est docteur en droit public de la faculté d’Aix-en-Provence et féru de l’oeuvre de Bret Easton Ellis qu’il propose comme cure d’altérité et remède à la pandémie occidentale de supériorité morale, l’idéologie identitaire et victimaire qui porte en elle le poison qu’elle prétend dénoncer. C’est dans cette quête d’altérité qu’Olivier Amiel situe, en en donnant dans la première moitié de Voir le pire des exemples dont il convient de préserver les âmes impressionnables, la trame de l’oeuvre de Bret Easton Ellis.
C’est toutefois dans White, sa première oeuvre de non-fiction parue en 2019, que ce bad boy de la littérature américaine, l’auteur d’American Psycho et d’autres romans à succès traduits en nombre de langues et portés à l’écran, se heurte de front à cette gauche bien-pensante constituée de prétendues élites et de gardiens de la révolution culturelle « éveillée » qui débitent leurs vérités convenues sur tout et sur tous, des vérités qui n’ont plus grand-chose à voir avec les idéaux de la gauche laborieuse et beaucoup à voir avec l’état agité de la démocratie américaine.
« Avec des millions d’autres hommes blancs, écrit Bret Easton Ellis cité par Olivier Amiel, j’étais constamment rappelé à l’ordre par une certaine faction : nous devions nous définir par notre identité blanche parce que c’était en soi le problème réel. » Ellis dénonce la toxicité des aspects séparatistes et suprémacistes des préjugés identitaires car ils mènent la société à l’impasse en ce qu’ils exaltent une irréconciliabilité supposée des différences et rendent la diversité et l’inclusion impossibles.
La cancel culture
L’altérité est le caractère de ce qui est autre ; l’antonyme d’« altérité » est « identité ». Curieusement, alors que l’altérité a eu une connotation négative (que l’on songe à « L’enfer, c’est les autres » dans le Huis clos de Sartre) avant qu’elle ne mène par la reconnaissance des différences de l’alter ego, cet autre moi, au dialogue et à la tolérance, le discours identitaire mène à l’affrontement et à l’exclusion. C’est là le projet de la cancel culture, la dénonciation publique par ceux qui se sentent investis d’une prétendue supériorité morale de tous ceux qui ne voient pas les choses comme eux.
C’est ici que le terme woke prend son sens. Il évoque (sans jeu de mots) le progressisme présumé et la bienveillance des personnes « éveillées » (du prétérit woke du verbe anglais to wake, se réveiller), sensibles aux discriminations en tous genres (à nouveau sans jeu de mots) envers les minorités.
Que cette nouvelle religion – pardon : idéologie – ait ses hiérophantes – pardon : ses zélateurs –, le Président Macron en fit l’expérience quand il s’éleva contre le séparatisme et pour l’universalisme après l’assassinat du professeur de collège Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine. Il vit la France assaillie de reproches par la presse internationale anglo-saxonne (Financial Times, Washington Post, New York Times, Politico), une presse qui notamment qualifia la laïcité française de dangereuse et que le président de la République française accusa à son tour de « légitimer la violence ».
C’est Olivier Amiel qui parle de cette altérité dénaturée par le multi-culturalisme et le dévoiement de la culture et des médias comme d’une « nouvelle religion mondiale colportée par de nouveaux pharisiens dégoulinant de bons sentiments et censurant tout comportement ou toute oeuvre qui ne correspond pas à l’idée qu’ils se font du Bien ». Philippe Muray en eut la prémonition dans son Empire du bien, publié la première fois en 1991, Bret Easton Ellis parle lui de l’establishment de la culture et des médias comme de « l’entreprise ».
Censure d’ordre idéologique
L’objectif est le même, exercer une censure d’ordre moral et idéologique et bannir. Tel est l’objet de la call-out culture (culture de la dénonciation) ou cancel culture (culture de l’effacement) : dénoncer et ostraciser, peu importe que les messages haineux qui s’ensuivent sur les réseaux sociaux poussent ceux qu’ils visent au suicide, comme ce fut récemment le cas d’un professeur américain, ou ceux qu’ils interpellent à d’autres extrémités.
White, le plus politique des ouvrages de Bret Easton Ellis, n’est pas un roman, ni une autofiction, ni une méta-fiction, c’est une bombe à fragmentation pour, dit Olivier Amiel, « envoyer foutre toute la pseudo-élite intellectuelle et financière qui accorde les brevets de bon goût et impose une esthétique et une pensée unique, libérale et dite progressiste, mais sans altérité, donc intolérante et fasciste » de la part d’un auteur qui en Europe plus qu’aux Etats-Unis dispose lui-même d’une image progressiste et libérale, sans quoi et si Ellis avait été Européen de surcroît, il n’eût sans doute pas été publié.
Ce qui est aberrant est que cette volonté d’humiliation, d’effacement, d’annulation, de suppression, de bannissement de l’autre, non seulement est soutenue aveuglément par des médias de premier plan, mais aboutit à l’effet contraire de celui censé être recherché, à la négation de la différence, à la stigmatisation et au rejet. C’est à ce point aberrant qu’il faut bien en conclure que l’effet recherché n’est sans doute pas celui affiché mais tout autre. A fortiori quand le manichéisme de la supériorité morale s’attaque à notre histoire, c’est bel et bien à la ruine de la civilisation occidentale qu’il aspire.
Voir le pire, L’altérité dans l’oeuvre de Bret Easton Ellis remède à l’épidémie de supériorité morale, Olivier Amiel, 94 pages, Editions Les Presses Littéraires.
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(L’article ci-dessus a initialement été publié dans l’hebdomadaire satirique PAN n° 3980 du vendredi 23 avril 2021.)