Docteur en droit public de la faculté d’Aix-en-Provence, Olivier Amiel a enseigné en France et à l’université internationale francophone Senghor d’Alexandrie au service du développement africain. Il est avocat et fut conseiller municipal et adjoint au maire de Perpignan avant d’y conduire une liste « Divers droite » aux élections municipales de 2020. C’est assez dire s’il est bien placé pour parler de ce dont il parle dans un essai (Voir le pire : L’altérité dans l’oeuvre de Bret Easton Ellis remède à l’épidémie de supériorité morale, essai dont il fut question dans cette chronique) et deux romans, Les petites souris (paru en 2021) et Hyper ! Hyper ! à paraître à la rentrée littéraire de cette année.
Bret Easton Ellis (1964) est un écrivain représentatif de la génération X, celle née dans les années 60 et 70, entre les baby boomers d’après la Seconde Guerre mondiale et les millenials des années 80 et 90. A 21 ans, il publie un premier roman, Moins que zéro, qui attire l’attention de la critique et se vend à raison de 50 000 exemplaires dès la première année. C’est toutefois son troisième roman, American Psycho, qui en fait une star littéraire. L’éditeur Simon & Schuster lui versa une avance de 300 000 dollars pour qu’il écrive un récit à propos d’un serial killer, puis se désista à la suite d’une controverse à propos de la misogynie supposée de l’ouvrage, lequel fut finalement publié ailleurs et porté à l’écran avec Christian Bale dans le rôle principal. Ellis situe l’action de ses romans dans les années 80. Son style est brutal. Sans concession.
Olivier Amiel est un fan et un émule, à défaut de quoi l’on vous aurait évité la digression ci-dessus. Dans une tribune sur Figaro Vox, à la suite de la sortie en français du dernier roman de Bret Easton Ellis, Les Éclats, et de son passage à Paris, Amiel a rappelé que l’auteur américain était le digne représentant de l’Amérique qui dit non à la tyrannie de la cancel culture – la pratique idéologique qui consiste à bannir un auteur ou une oeuvre censés offenser une communauté se proclamant minorité et victime – et a averti que la France n’échappait pas au phénomène. « C’est l’avènement, écrit-il, de ce que Philippe Muray prophétisait en 1991 comme le lynchage sous le masque du progressisme par l’Empire du bien ». Ellis en fut tôt la victime avec sa satire sociale American Psycho.
Saleté d’époque
Emule de son écrivain fétiche, Olivier Amiel l’est dans ses deux romans dans lesquels il évoque, à la première personne du singulier, par la voix d’un narrateur, les « cobayes si humain de notre saleté de société » (Les petites souris) et « une génération déclassée dans une France méprisée » (Hyper ! Hyper !) Ellis n’épuise toutefois pas sa culture littéraire.
En exergue de son premier roman, il cite Jean d’Ormesson à propos de la science qui rendrait mieux que quoi que ce soit compte du monde dans lequel nous vivons et qui assurément le transforme : « S’il y avait quelque chose de nouveau à introduire dans le roman, […] c’était la science. » Amiel y veille : le narrateur, écrivain victime d’une campagne de bannissement pour misogynie alléguée, essaie de se racheter aux yeux de ceux dont il est la cible en écrivant un roman qui corresponde à leurs normes, le récit de deux lesbiennes qui se sont connues en prison et dont l’une des deux essaie d’oublier le traumatisme lui ayant valu son séjour carcéral (elle a pratiqué une « subincision » sur le bourreau que sa tante lui avait mis dans le lit alors qu’elle était encore mineure), le tout sur fond des avancées médicales réalisées dans le domaine de l’effacement de la mémoire. La petite intervention chirurgicale en question (un rite de passage dans des tribus d’Océanie, encore de nos jours, paraît-il) et Les petites souris sont – comment dirions-nous ? – « hardcore ».
Amiel remet ça dans son second roman, Hyper ! Hyper !. Il jette un regard critique sur notre société et cite cette fois Voltaire en exergue pour exposer son projet : « Tout ce que je vois jette les semences d’une révolution qui arrivera immanquablement […] et alors ce sera un beau tapage. » Victimes de l’altérité (l’enfer, c’est les autres) désormais rétablie sous forme de domination de la part des minorités censées avoir souffert de l’universalisme, les quatre personnages de l’histoire, le narrateur, deux copains, dont l’un, le plus déluré, issu de l’immigration, et une copine, enchaînent les désillusions et cherchent l’exutoire dans l’alcool, la drogue, la haine et, finalement, la violence – le fait saillant du roman est la prise en otage par le narrateur d’une classe d’une école huppée -, sur bande-son d’eurodance, le genre musical prisé par une certaine génération des années 90, celle de la France dite périphérique – profitez-en pour compléter votre compilation musicale.
Cette chronique a répété que le genre littéraire qu’est le roman constitue une interprétation plausible d’une réalité infiniment complexe au même titre que les sciences, fussent-elles « exactes » – le sont-elles jamais ? (Cf. Popper) – dans une société ouverte. Que les deux romans d’Amiel ne soient pas à mettre entre les mains d’âmes hyper-hyper-sensibles ne les empêchent pas d’aider à décrypter les conséquences des conséquences de la fragmentation sociale initiée par des groupes de pression et un personnel politique servile à des fins d’agit-prop et d’appropriation matérielle. Ne nous y trompons pas, c’est l’objectif ultime de toute idéologie, quelle qu’elle soit (cf. Marx et affidés).
Les petites souris (120 p) et Hyper ! Hyper ! (158 p), Olivier Amiel, Les Presses Littéraires.
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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4101 du mercredi 16 août 2023.)