Les allusions à une urgence climatique servent les intérêts de certains acteurs, militants écologistes, organisations, médias, politiciens et même scientifiques, et sèment la confusion quant à ce que l’on a fait, ce que l’on pourrait faire, ce que l’on devrait faire et ce que l’on fera pour affronter un climat changeant.
Ce n’est pas votre serviteur qui vous le sert à plat, c’est Steven Koonin, bien placé pour en juger dans son livre Unsettled comme cela a été exposé la semaine passée. Ce physicien de haute réputation fut responsable pour la science et le climat avec rang de sous-secrétaire (ministre délégué) dans l’administration (le gouvernement) Obama et est professeur à la New York University. « Il y a eu beaucoup trop peu de discussions publiques sérieuses, écrit-il, sur les connaissances et les inconnues de la science du climat. »
En vérité, la science du climat implique de nombreux domaines scientifiques différents, englobant la physique quantique des molécules et la physique classique de l’air, de l’eau et de la glace en mouvement ; les processus chimiques dans l’atmosphère et l’océan ; la géologie de la terre solide ; et la biologie des écosystèmes. Il comprend également les technologies utilisées pour « faire » la science, y compris la modélisation informatique sur les machines les plus rapides du monde, la télédétection par satellite, l’analyse paléoclimatique et les méthodes statistiques avancées.
Ensuite, il y a les domaines connexes des technologies énergétiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, de l’économie, de la politique. « Cet énorme éventail de connaissances et de méthodes fait de l’étude du climat et de l’énergie l’activité multidisciplinaire par excellence », fait remarquer Koonin, dont l’essai aborde des points essentiels sur lesquels la perception populaire des questions de climat et d’énergie diffère de ce que dit la science.
Un acte de conscience
C’est pour l’auteur la responsabilité, « presque un acte de conscience », d’un scientifique de faire, sans parti pris, la part des choses entre ce qui est connu et ce qui ne l’est pas. La climatologie étant complexe, les incertitudes ne sont pas toujours quantifiables. Aussi le GIEC (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies) lui-même a-t-il recours à une terminologie reflétant un indice de cinq niveaux de confiance et, donc, un jugement qualitatif quant aux résultats avancés.
Steven Koonin est d’avis que la terre s’est réchauffée au cours du siècle dernier, en partie à cause de phénomènes naturels et en partie en réaction à des influences humaines croissantes, mais que ces dernières (en particulier l’accumulation de CO2 résultant de la combustion de combustibles fossiles) exercent sur le système climatique complexe un effet physiquement faible, malheureusement non utilement quantifiable dans l’état actuel de nos connaissances, lequel ne nous permet pas de faire la part du réchauffement d’origine naturelle et anthropique.
Toutefois, constate-t-il, alors que les influences humaines ont presque quintuplé depuis 1950, le globe ne s’est que légèrement réchauffé et la plupart des phénomènes météorologiques violents restent dans les limites de la variabilité passée. Quant aux prédictions concernant les évolutions du climat et de la météo, elles souffrent de ce que leur modélisation soit manifestement inadaptée.
La connaissance du monde naturel commence, rappelle-t-il à toutes fins utiles, par des mesures, les données. Or, l’on se rend bien compte que recueillir des données utiles sur le climat au niveau de la terre entière n’est pas chose évidente, d’autant moins évidente que 70 % de la surface terrestre sont couverts par les océans (autre source d’immense complexité et d’incertitude) et que l’on analyse des changements en fractions de degré, avec des instruments divers installés en des lieux très différents, et, en principe, s’agissant du climat, sur plusieurs décennies, voire plusieurs siècles.
En effet, un changement de temps d’une année à l’autre ne constitue pas un changement de climat, ironise-t-il. Et, là où nous disposons de données fiables, leur interprétation n’est pas univoque. Cela ne se résume en tout cas pas simplement à ce que « les humains réchauffent la terre ».
Confusion sémantique
Koonin met d’ailleurs en garde contre une confusion sémantique dont il n’exclut pas qu’elle ne soit délibérée. Elle concerne l’utilisation de l’expression « changement climatique » (en anglais, « climate change ») que la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique définit comme étant « un changement de climat qui est attribué directement ou indirectement à une activité humaine modifiant la composition de l’atmosphère globale et qui s’ajoute à la variabilité naturelle du climat observée sur des périodes comparables ».
Cette définition officielle exclut explicitement les changements dus à des causes naturelles, ce qui induit une confusion de sens. Ainsi, lorsque quelqu’un de non averti entend parler de « changement climatique » (comme dans le slogan « Climate change is real ! », « Le changement climatique est réel ! »), elle est susceptible de se méprendre et de supposer que cela signifie un changement dont nous serions nécessairement responsables. Le climat change aussi et surtout « naturellement » et les causes souvent nous en échappent.
Le globe s’est par exemple réchauffé d’environ 5° C, expose Koonin, il y a environ 20 000 ans alors que les calottes glaciaires recouvraient encore une grande partie de la terre. Les humains n’en sont pas responsables puisqu’apparus il y a quelques centaines de milliers d’années, ils n’étaient guère nombreux. C’est d’ailleurs fort heureusement ce réchauffement qui a permis à la civilisation de se développer.
Mais déjà antérieurement réchauffements rapides et refroidissements plus lents ont alterné, ainsi au cours du dernier million d’années, tous les 40 000 ans dans la période la plus récente, tous les 100 000 ans si l’on remonte à plus de 500 000 ans. Ces variations, explique Koonin, ont été entraînées par de légers changements dans l’orbite de la terre autour du soleil et dans l’inclinaison de son axe et elles ont été encore beaucoup plus importantes en durée et en amplitude relative et absolue vers le haut et vers le bas dans les centaines de millions d’années précédentes.
Ces variations passées ne réfutent pas que les humains soient responsables de ce que la température moyenne de la surface de la terre se soit élevée d’environ 1° C depuis 1880, mais elles indiquent qu’il existe de puissantes forces naturelles qui déterminent le climat et elles mettent en lumière le défi scientifique de comprendre dans quelle mesure le réchauffement est causé par l’Homme – et dans quelle mesure ce dernier peut y faire quelque chose. A suivre !
Unsettled, What climate science tells us, what it doesn’t, and why it matters, Steven E. Koonin, 240 pages, BenBella Books, Inc., Dallas (Texas).
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(L’article ci-dessus a initialement été publié à la « une » de l’hebdomadaire satirique PAN n° 3988 du vendredi 18 juin 2021.)
MERCI pour ce texte prudent…. qui peut faire réfléchir tout le monde!