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Les analphabètes au pouvoir

Les analphabètes au pouvoir Posted on 17 février 20242 Commentaires

Le débat public oscille entre une soif de confrontation et de consensus sur l’incertain. Ce constat, le politologue Gaël Brustier qui milita au sein de plusieurs partis politiques français (du RPR au PS) et est chercheur associé au Centre d’études de la vie politique de l’Université libre de Bruxelles, le fait pour la France mais il s’applique aussi ailleurs. « Dans cet univers mental collectif, hier n’existe pas, demain à peine plus, l’autre est un suspect, l’aîné un coupable. Nous vivons dans une société qui prétend s’occuper de l’avenir de gens qui ne sont pas encore nés, voue aux gémonies des gens morts il y a trois cents ans mais qui ne témoigne ni empathie ni intérêt pour aucun de ses contemporains. »

Comment s’affranchir de cette détestation de l’Homme par l’Homme, comme la qualifiait Véronique Bourgninaud dans un récent essai, et plus encore du « quotidien mortifère » et de l’« immédiateté asphyxiante » ? Notre temps est-il aussi obscur que beaucoup – et les médias en tête de gondole – s’accordent à le dire ? Le monde est-il sur le point de disparaître, les ténèbres éternels de s’abattre ? L’actualité (climat, pandémie, terrorisme, guerre) incite plutôt à verser dans le désespoir que dans l’optimisme. « Laissez-nous profiter de la fin du monde ! » affichaient de jeunes manifestants contre la réforme des retraites préconisée par le Président Macron.

S’ajoutent au tableau une certaine perplexité à l’égard de la démocratie et des institutions et un recul des partis traditionnels en raison d’un sentiment de déconnexion du monde politique par rapport à la réalité du terrain. Brustier parle d’un sentiment diffus de dépossession, qui s’exprime des deux côtés de l’Atlantique. Le pire n’est jamais à exclure, il n’en est pas sûr pour autant. Une autre humanité s’est éteinte. Brustier s’en réfère aux travaux de Ludovic Simak sur Néandertal pour avancer que ce dernier n’a disparu ni d’un coup de trop chaud, ni d’un coup de trop froid – pourtant il a affronté des conditions climatiques extrêmes. Il se serait éteint à la suite de l’apparition d’un Sapiens belliqueux et sachant y faire. La brutalisation des rapports internationaux fait suggérer à Brustier avec raison que pour notre humanité « le risque est moindre de mourir de chaud que d’un missile russe ».

Que des jeunes, parfois intelligents, soient obnubilés par la fin du monde ne signifie pas qu’il n’y a aucun espoir. Brustier invoque la figure de François Leclerc du Tremblay, connu sous le nom de Père Joseph, un frère capucin qui au XVIIe siècle fut proche conseiller du Cardinal de Richelieu et qui « historiquement, intellectuellement, pratiquement » fut aux antipodes des moeurs politiques et des médias de notre époque. « La méditation du cheminement et de l’engagement capucin peut à son tour permettre d’irradier l’ensemble de ceux qui veulent aborder le monde différemment », écrit Brustier. Ajoutons-y le rejet de l’égotisme, de la culture de l’image et du pouvoir pour le pouvoir. Le Père Joseph allait pieds nus.

Notre avenir ne dépend pas du seul niveau de nos émissions de CO2, si tant est que ce soit le cas. La crise des substances psychotropes constitue un danger bien réel et immédiat quant à lui, pendant du vide spirituel et de l’infantilisation de sociétés en quête de satisfaction permanente et instantanée et front intérieur sur le plan géopolitique. Prédire l’enfer climatique sur terre n’aide pas à combler, ni à responsabiliser, ni à gagner la guerre contre la drogue. L’art politique suppose d’adopter une vision globale et optimiste du monde et du temps long et de prendre en compte les rapports de force, les intérêts divergents, les invariants de l’histoire. Pendant que la Chine trace ses Routes de la Soie, en Europe on défonce des routes pour construire des pistes cyclables. Un tel manque de jugeote est en proportion directe avec la fatuité des personnages du spectacle hystérico-politique qui s’en targuent.

A un moment de l’histoire de l’Occident marqué par les tensions et les incertitudes, puisse la langue de bois qui tient lieu de discours politique faire place à la substance et le personnage du Père Joseph inspirer quelqu’éminence grise ayant à coeur le destin des peuples sinon de l’Europe.

Les analphabètes au pouvoir, Gaël Brustier, Editions du Cerf, 96 p.

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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4127 du vendredi 16 février 2024.)

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2 commentaires

  1. MERCI pour ce texte réaliste! Oui, nous sommes gouvernés par des analphabètes…. ces analphabètes ne s’intéressent guère aux autres et votre texte me ramène au livre de Michel Desmurget que je viens de terminer: Faites-les lire! Il montre aussi que l’intelligence émotionnelle s’enrichit par la lecture…. et cette intelligence manque de plus en plus à nos gouvernants!!!

  2. Considérer que toutes les menaces qui pèsent sur notre monde (je cite, pêle-mêle, pollution, pandémie, climat…) sont largement hypertrophiées par un langage politico-médiatique hyperbolique, j’en conviens. Que le danger réside plutôt dans une brutalisation des rapports internationaux, je le pense aussi. Mais pointer en fin de paragraphe la suprême menace du « missile russe », je réponds : les missiles sont partout et il n’est pas plus sûr que le premier vienne de Russie plutôt que d’ailleurs.

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