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La course à la suprématie monétaire mondiale

La course à la suprématie monétaire mondiale Posted on 10 décembre 20221 Comment

Vous pensez lire un essai sur La course à la suprématie monétaire mondiale à l’épreuve de la rivalité sino-américaine, le titre que lui ont donné Michel Aglietta, Guo Bai et Camille Macaire, et c’en est un, mais c’est surtout un pamphlet anti-capitaliste, anti-(néo)libéral, anti-américain. Reagan et Trump, c’est du pareil au même ; vos dollars impériaux n’en jetez-plus, il y en a un trop plein, ainsi que des privilèges exorbitants que cela vous confère, vieille rengaine française, souvenez-vous de Jacques Rueff, remis au goût du jour par Valéry Giscard d’Estaing.

Rien de neuf sous le soleil ? Si ! En toile de fond, ce n’est plus le rêve du progrès universel d’une humanité réconciliée embrassant une forme de communisme urbi et orbi bienveillant, mais le projet est de sauver l’humanité de ses affres, pandémique et climatique, car « santé, climat et biodiversité sont liés ».

Michel Aglietta est professeur émérite à l’université Paris-Nanterre et l’auteur de plusieurs ouvrages dont celui-ci constitue une sorte de somme, à ce qu’en dit la préface ; Guo Bai est professeur à la China Europe International Business School et chercheuse à l’Université Fudan de Shanghai ; Camille Macaire est économiste à la Banque de France. Ils constatent les lacunes d’un système monétaire international s’appuyant sur une devise clef émise par une puissance dominante (c’est le dollar qui remplit ce rôle) et ils plaident pour un nouveau concept de SMI s’appuyant sur une coopération polycentrique, multilatérale, et utilisant une monnaie numérique globale, sous l’égide de l’ONU, il va sans dire, une manière de s’affranchir à la fois du dollar et des Américains.

Rivalités géopolitiques

Par définition, un système monétaire international basé sur la devise d’une puissance dominante, politiquement, économiquement, militairement, n’est pas pérenne, a fortiori quand cette puissance cesse d’être bienveillante et s’efforce de projeter son droit sur tous ceux qui utilisent sa devise (c’est le cas des Etats-Unis quand ils usent de leur position pour bloquer des transactions avec des pays qu’ils veulent sanctionner ou gèlent les avoirs de ressortissants de ces pays) ou quand elle se trouve concurrencée par une puissance émergente (in casu, la Chine).

Les rivalités géopolitiques sont revenues à l’avant-plan au XXIe siècle. Les rapports internationaux s’en trouvent menacés d’un danger de fragmentation, non tant point, semble-t-il dans l’esprit des auteurs, en ce qu’elle provoquerait une résurgence de confrontations militaires dévastatrices, mais en ce qu’elle empêcherait de préserver les biens communs de la planète. Question de perspectives et de priorités, sans doute !

Qu’une devise clef domine, de manière implicite (étalon-or sterling), explicite (Bretton Woods) ou tacite (la situation présente), elle remplit deux fonctions au sein du système monétaire international, constituer un actif sûr et faciliter les échanges, et elle doit bénéficier d’une prépondérance politique et militaire qui permet de perpétuer ces deux fonctions et d’une supériorité technologique. La devise américaine, avancent les auteurs, ne répond plus à aucun de ces critères. Cela clôt l’ère historique du concept de devise clef, car ils ne voient pas le yuan chinois se substituer au dollar, et ils appellent à l’émergence d’un système monétaire d’un type nouveau, on l’a vu plus haut, polycentrique.

Soyons de bon compte : le gouvernement chinois a recours au protectionnisme dans sa stratégie de développement économique et les Etats-Unis livrent à la Chine une guerre commerciale dont l’objectif est d’en entraver le développement économique et technologique. Ni l’un ni l’autre ne favorisent le libre-échange dans une économie globalisée, mais, tout au contraire, la formation de blocs commerciaux autour des puissances dominantes.

Route de la soie numérique

Ceci étant, la Chine est devenue la deuxième plus grande économie mondiale en termes de PIB et le premier créancier international du monde. Paradoxalement, elle reste toutefois loin d’un découplage vis-à-vis du dollar et de l’émission d’une monnaie de réserve de rechange. L’utilisation de sa devise au plan international reste marginale bien que sa part du commerce mondial (son fer de lance économique) soit passée de 3 % en 1995 à 13 % en 2019 (contre 8,6 % pour les Etats-Unis).

Son modèle économique fondé sur la planification se prête-t-il à une internationalisation de sa devise alors que l’ordre « néolibéral » actuel de la finance globalisée repose précisément sur un schéma d’ouverture ? La question se pose. Un autre aspect du problème est que, si l’endettement public de la Chine reste modéré (54 % du PIB en 2019 par rapport à une moyenne mondiale de 82%), celui de son secteur privé est, par contre, très élevé à 205 % du PIB par rapport à 144 % en moyenne pour les pays émergents et 165 % pour les pays développés.

N’empêche, la Chine se positionne comme un pionnier des technologies monétaires numériques et a l’ambition de construire une route de la soie numérique en déployant à terme une monnaie digitale de banque centrale, voire une plateforme d’échange multi-juridictionnelle pour de telles monnaies (multiple central bank digital currency bridge ou « m-CBDC Bridge »). Les auteurs en décrivent remarquablement la portée, laquelle leur paraît prometteuse dans la perspective polycentrique qu’ils soutiennent.

La course à la suprématie monétaire mondiale à l’épreuve de la rivalité sino-américaine, Michel Aglietta, Guo Bai et Camille Macaire, 304 pages, Editions Odile Jacob.

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(Cet article a paru dans l’hebdo satirique PAN n° 4064 du mercredi 30 novembre 2022.)

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1 commentaire

  1. Peut-être la prédominance du dollar sur le yuan comme monnaie phare , malgré toute l’ aversion que l’ on peut avoir quant aux pratiques pas toujours <> de l’ oncle Sam , s’ explique simplement par la sécurité juridique du pays ?

    Bon week-end à vous monsieur Godefridi

    Michel DUBAIL

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