Posted in Art de vivre Littérature

Veritas tantam (Olivier de Kersauson)

Veritas tantam (Olivier de Kersauson) Posted on 7 janvier 20231 Comment

Veritas tantam potentiam habet ut non subverti possit : la vérité a une telle puissance qu’elle ne peut être anéantie. Comment l’auteur d’une chronique se réclamant de suivre une ligne socratique en ce qu’elle n’assène pas la vérité mais en est à la poursuite constante au travers d’ouvrages d’auteurs qui empruntent des perspectives divergentes, n’aurait-il pas été tenté par la lecture de celui-ci ?

D’autant que cette chronique palingénésiaque (au sens balzacien, voir son Gaudissart) est tenue par un latiniste au moins aussi accompli qu’Olivier de Kersauson et que la sortie de Veritas tantam a fait l’objet d’un tam-tam frisant le tintamarre, normal pour un navigateur chevronné puisque Tintamarre est aussi le nom d’une île de l’archipel des Îles du Vent (dans les Antilles).

Côté quarantièmes rugissants, bougon, irrévérencieux, outrageant même, comme il a déjà pu l’être au temps et vis-à-vis de Philippe Bouvard sur le plateau des Grosses Têtes, l’Amiral y est retourné à la rencontre de son successeur (qu’il dit apprécier) pour promouvoir sa vérité, tapotant de manière ostensible son portable comme pour mieux marquer que ça en touche l’une mais ça n’en remue pas l’autre quand Laurent Ruquier fait l’article de ses sociétaires, Kersauson s’empressant, aussitôt dit, aussitôt fait, d’égratigner ses petits camarades sans lâcher le portable ni en quitter l’écran des yeux.

Côté tendre sur le plateau de Vivement dimanche avec Michel Drucker (80 ans) qui, quand il lui dit « ça me fait plaisir de te revoir », s’entend répondre par son cadet de deux ans, « moi aussi, ça me rappelle ma jeunesse », puis, quand il lui parle de se revoir à Tahiti avant de mourir, voit Kersauson regarder instamment le cadran de sa montre-bracelet lui signifiant qu’il faut faire attention et qu’il ne faudrait quand même plus trop tarder.

Le monde qui vacille

En effet, « j’ai toujours mesuré que tout n’était pas éternel, écrit-il. C’est pour cette raison que j’ai fait mille choses qui me faisaient marrer ; je n’allais quand même pas m’emmerder à attendre d’être vieux pour rire… ». Il ajoute dans un chapitre intitulé « La chute », une réflexion sur le vide, le grand vide : « Personne ne peut savoir ce qui arrivera demain. […] Notre société n’a pas conscience de ses réalités. » Là, las, nous quittons le registre personnel pour entrer dans celui de la société, du « monde qui vacille ».

« Avant, pour exister, il fallait avoir fait quelque chose, avoir produit quelque chose, s’être manifesté par ses actes, enchaîne-t-il. Aujourd’hui, il suffit de trouver de quoi se plaindre. Et, aussitôt, avec Internet, rencontrer le troupeau qui va suivre la plainte ; mieux, le troupeau qui va nous suivre dans notre plainte. Il s’agit d’être non pas pour, mais résolument contre quelque chose. » Autant pour le « vivre-ensemble ». Si on en parle, c’est d’ailleurs bien parce qu’il y a problème.

C’est la faute des écouteurs, qui ont permis à tout un chacun de se retrancher du monde et de s’en créer un autre, avance Kersauson. Les réseaux sociaux n’ont rien amélioré. Ce monde dans lequel nous sommes est en train de s’enterrer, parce que la plupart n’ont plus de projet, ne rêvent plus, restent dans le « peut-être que ». Le wishful thinking et l’ignorance, dit-il plus loin, sont devenus la règle. Le président Macron a trouvé une échappatoire : il ne dit pas « peut-être que », il dit « en même temps ». C’est presque du pareil au même. L’irrésolution s’est installée au pouvoir.

Une nouvelle religion

Le pire n’est-il pas que l’on nous fasse vivre dans la peur perpétuelle du danger imminent, avec à la clé une nouvelle religion et des vocations pour ceux qui, sortis de n’importe où, se sentent une âme de messie, font dans l’incantatoire, « comme la fille avec des nattes, qui insulte tout le monde et vient parler à l’ONU, Greta Thunberg », brandissent à la moindre occasion le catéchisme de ce qui, selon eux, est vertueux ou ne l’est pas. A l’évidence, c’est le bon sens qui f… le camp. Il en convient. « Le bon sens aurait été de ne pas fermer [la centrale nucléaire de] Fessenheim tant qu’on n’avait pas trouvé la façon de produire autant d’électricité d’une autre manière. »

Mais, la vérité ultime ne réside-t-elle pas dans la nature humaine telle que La Fontaine (1621-1695) en a si bien décrit les contours et, notamment, dans Les Grenouilles qui demandent un roi, une fable citée par Kersauson dans laquelle le fabuliste du XVIIe s. s’inspire d’Esope (620-564 av. J.-C.) et de Phèdre (14 av. J.-C.-50 ap. J.-C.) ? La réalité est là, rien ne changera tant que ne changera la nature humaine car c’est elle qui produit tous ces « systèmes ». Ou, pour le dire en ses termes : « Tous les mecs qui nous vendent des régimes merveilleux sont des trous du cul, ce n’est que du mensonge. »

L’époque des Ocean’s Songs semble révolue. L’Amiral a accosté. La maladie l’y a forcé. Il échange souvenirs contre avenirs.

Veritas tantam – potentiam habet ut non subverti possit (La vérité a une telle puissance qu’elle ne peut être anéantie), Olivier de Kersauson, 208 p, Cherche Midi.

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(Cet article a paru dans l’hebdomadaire PAN n° 4068 du mercredi 28 décembre 2022.)

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